Chaque année, l’industrie cinématographique mondiale produit environ 1 million de tonnes de CO2. Pour réduire cet impact, de plus en plus de producteurs se mettent au cinéma vert. Jenna Suru, réalisatrice, actrice et productrice française qui en fait partie, le définit comme « l’attention portée, lors de la production d’un film, sur son empreinte environnementale. Cela va de la phase de création de l’œuvre jusqu’à sa distribution finale en passant par la recherche de financements et c’est aussi bien devant que derrière la caméra. » La pandémie semble avoir eu un véritable impact sur la conscience écologique des professionnels. Preuve en est avec le Festival de Cannes qui, pour la première fois, calculera son empreinte carbone pour l’édition de 2021. Chaque accrédité devra également payer 20 euros pour compenser les émissions carbone générées par son voyage jusqu’à Cannes et son hébergement.
D’après Jenna Suru, lors de la production d’un film, « ce sont les transports, la régie, les décors et les costumes qui polluent le plus ». Pour réduire leur impact, elle a trouvé plusieurs solutions qu’elle a intégrées dans son dernier film L’âge d’or. D’une part, elle insiste sur la nécessité d’avertir ses équipes que le film s’inscrit dans une démarche environnementale et que tout le monde doit réellement participer. Pour les impliquer, elle conseille de nommer son assistant-réalisateur en tant que responsable environnement. « Présent du début à la fin de la production, il est une plateforme tournante liée à toute l’équipe. Il peut donc non seulement éveiller les consciences, mais aussi mettre en place des actions concrètes. Il peut par exemple encourager à ne plus imprimer les scénarios mais les faire lire sur son portable. » C’est ce qui a été fait grâce à un partenariat avec Scriptation. Jenna est allée jusqu’à faire passer les auditions à distance via We audition.
D’autre part, pour l’hébergement, elle a volontairement choisi un lieu à équidistance de tous les lieux de tournage. De quoi diminuer le nombre de véhicules. « On a choisi une villa à 15/20 minutes max des 34 lieux de tournage et à une heure en train du dernier. Ce n’est pas tant que ça ». L’implication de son équipe doit aussi passer par l’environnement ambiant. « On était dans une villa au milieu des forêts de Gigaro [Var (83), NDLR] avec vue mer. Quand on est dans un tel endroit, on a forcément envie d’en prendre soin. On préfère ainsi échanger le gobelet en plastique contre du carton recyclable. » Cette dernière partie est à voir avec le régisseur pour qu’il opte pour une cantine et des contenants plus éco-responsables.
Du côté de la décoration, l’optimisation est aussi possible : « Il faudrait reprendre un maximum de décors naturels pour ne pas en créer d’autres ou n’avoir à fabriquer que les accessoires ». Pour la productrice investie dans le cinéma vert, il est tout-à-fait possible de tourner en France pour faire croire que le film se passe aux Etats-Unis par exemple. « On a la chance d’avoir des paysages variés. » Elle suggère d’ailleurs de « récupérer des décors déjà créés pour d’autres films ou d’utiliser des matériaux éco labellisés ». Pour ne pas fabriquer de costumes, elle a signé des partenariats avec des marques. « Par exemple, Vilebrequin nous a prêté des vêtements pour représenter le Saint-Tropez typique des 60’s [époque du film, NDLR]. »
Enfin, elle a fait labelliser sa société de production Belle Epoque films dès sa création en janvier 2015 par Ecoprod. C’est un collectif dont les membres s’investissent pour réduire l’impact environnemental de leurs productions. « J’ai tout de suite demandé à calculer l’empreinte carbone de mes productions pour voir où m’améliorer. » Ces solutions peuvent être mises en place pour n’importe quel type de film mais elles nécessitent du temps « pour trouver les bons partenaires » et de l’imagination « pour les équipes artistiques ».
Le cinéma a un devoir d’éducation et de sensibilisation. Derrière la caméra, ce sont plutôt aux producteurs de jouer leur rôle de prise de conscience. Jenna Suru explique qu’étant la seule productrice du film, elle avait « vraiment la responsabilité totale de son empreinte carbone ». Il était de son devoir d’impliquer ses équipes dans leur impact environnemental. En résumé, tout réside dans l’ADN de la société de production.
Devant la caméra, les acteurs et l’histoire doivent encourager à changer les habitudes des téléspectateurs pour qu’ils fassent plus attention à la planète. En parallèle de produire des films, Jenna a créé un festival du cinéma vert, le Paris International Film Festival, pour lequel elle a accueilli des films « clairement positionnés sur l’écologie ». Elle a ainsi présenté la Première du documentaire Kiss the ground de Rebecca et Josh Tickell, deux activistes environnementaux.