Selon une étude de l’IFOP, depuis la crise sanitaire, les consommateurs attendent des marques qu’elles soient engagées pour l’environnement. Parmi les motivations d’achat, 24 % veulent une consommation raisonnée et 25 % sont pour une consommation engagée et respectueuse de l’environnement. D’après le président du directoire de l’IFOP, Stéphane Truchi, « le luxe a, pendant longtemps, préservé une culture du secret qu’il faut aujourd’hui abolir. Les marques doivent être beaucoup plus transparentes sur tous les niveaux d’approvisionnement. Des matières premières jusqu’aux circuits de distribution. » Une préoccupation à laquelle répond LVMH avec son avènement pour le « luxe nouveau ». Hélène Valade, directrice Développement Environnement du groupe de luxe, explique que le concept est « né d’un besoin d’harmonie entre l’homme et la nature aujourd’hui. » Frédéric Dufour, président de Ruinart (LVMH) ajoute que « ce qui est important c’est qu’on est passé d’un modèle où on voyait ça comme une contrainte au fait que le développement est finalement une source de motivation extraordinaire. » Le mot d’ordre pour LVMH semble alors de faire de la croissance durable, de la croissance respectueuse.
« Il est primordial de rendre à la nature ce qu’elle nous a offert », explique Hélène Valade. Et pour régénérer cette biodiversité, le groupe insiste d’abord sur l’économie circulaire, tout à fait en lien avec l’ADN du luxe. « Ce modèle permet de préserver les ressources naturelles en donnant une “Xième” vie à des produits du luxe qui intrinsèquement sont là pour être transmis donc qui sont éternels ». En proposant de la seconde main et de la réparation, LVMH a déjà un premier pied dedans. « Nos maisons ont des services de recyclage de fourrure, de réparation de souliers et on se densifie sur ce segment car il correspond parfaitement à ce chemin de durabilité », précise l’experte.
De son côté, Frédéric Dufour, président de Ruinart, affirme son engagement. « Pour nous le luxe c’est avant tout un luxe respectueux de l’environnement, conscient de son impact social et de celui sur la planète. On est sur un luxe responsable qui a du sens. » Le raisin étant issu de la terre, il n’a pas d’autre choix que faire de la biodiversité le cœur de ses préoccupations. Ruinart se positionne en faveur de la biodiversité et passe à l’agriculture régénérative sur son vignoble d’origine : celui de Taissy (Près de Reims). Frédéric Dufour améliore la biodiversité et régénère les sols en offrant de nouveaux habitats aux oiseaux et chauves-souris qui « aident à traiter la vigne naturellement ». Il restaure aussi l’harmonie paysagère et protège la vigne des fortes intempéries. « Nous devons arracher des plans de vigne pour planter 25 000 nouveaux plans et des arbustes derrière », explique-t-il.
Pour aller plus loin dans la croissance responsable, le groupe repense toute la chaîne logistique. Et cela passe par les matières premières. « Pour faire de bonnes matières, il faut une agriculture extrêmement raisonnée », explique le directeur de la stratégie du groupe et président de LVMH métiers d’art, Jean-Baptiste Voisin. En fait, « le cuir est la première industrie de recyclage au monde car il provient du traitement des déchets issus de la viande. Donc on part d’un déchet pour en faire des sacs magnifiques. » Ainsi, LVMH est très regardant sur le bien-être animal et le type d’agriculture appliqué. Mais la marque se préoccupe aussi de la provenance des matières : Ruinart est à 87 % élaboré en France.
LVMH revoit aussi son plan transports. « Nous avons des produits intemporels qui n’ont pas lieu d’être à un moment précis de l’année, se réjouit Hélène Valade. Donc au lieu de penser à la date d’arrivée, comme souvent, on peut penser à la date de départ. » Cela permet d’acheminer les différents produits par bateau moyennant une durée de transport certes plus longue que par avion mais bien moins polluante. Donc depuis cinq ans, Ruinart envoie ses bouteilles par bateau.
Par ailleurs, pour sensibiliser positivement ses parties prenantes (consommateurs, distributeurs et fournisseurs) à l’impact du luxe sur l’environnement, Ruinart a abandonné ses coffrets. Fin 2020, la marque de champagne a présenté à l’Europe de l’Ouest son nouveau packaging appelé « seconde peau ». Plus écologique, ce nouvel étui est 100 % compostable, 100 % recyclable et neuf fois plus léger.
De quoi économiser 60 % de gaz-à-effet de serre. C’est un coffret trois-en-un : il protège le vin, sert comme outil de service et est réutilisable jusqu’à sept fois. « Nous sommes passés d’un objet statutaire cadeau à un objet respectueux ».
Autre stratégie, LVMH réfléchit à de nouvelles matières à développer mais, qui n’auront pas pour but de se substituer au cuir. « Elles n’ont pas les mêmes propriétés », rappelle Jean-Baptiste Voisin qui estime qu’il faut plutôt les voir comme « des matières à part entière avec des propriétés propres ». Il raconte qu’en un simple rendez-vous avec son tanneur – qui ne travaille qu’une seule matière depuis 1803 -, il a compris l’importance de s’ouvrir à de nouvelles matières. « A peine arrivé, deux employés m’avaient déjà demandé de se mettre aux alternatives au cuir. » Il termine en affirmant que ce genre de préoccupations est devenu « une évidence pour tout le monde ces 12 derniers mois ».